jeudi 31 juillet 2008

Bethlehem

SI LES MESSAGES POSTERIEURS A CELUI-CI N'APPARAISSENT PAS, CLIQUEZ SUR 2008, EN HAUT A GAUCHE

Arrivé sans encombre.
Superbement logé.
Le chantier commence demain.
Visites aussi prévues à Jéricho et à Hebron.
Connection Internet faible et intermittente : ne vous inquiétez pas si je n'écris pas.

mercredi 30 juillet 2008

Yad Vashem








Yad Vashem est le mémorial de l'extermination des juifs par les nazis et leurs alliés, ce qu'on nomme aussi Shoah ou Holocauste. C'est une série de bâtiments récents sur une colline boisée, avec des lieux de reconstitution historique et d'autres de souvenirs et de prière. C'est évidemment très impressionnant et on en ressort très ému, voire choqué, malgré quelques libertés prises avec l'histoire (les photos des Sonderkommandos de Birkenau sont recadrées, malgré tout ce qu'a écrit brillamment Didi-Huberman à ce sujet; le refus du Sultan du Maroc face aux demandes vichystes de statut des juifs n'est pas mentionné; on n'est pas appelé sous les drapeaux dans la Légion Etrangère, on s'y engage; Manouchian - de l'affiche rouge - n'était pas juif). Mais ce ne sont que des détails. Par contre, l'extermination des Gitans ou le rôle ambigu des Judenrats sont clairement exposés. Et surtout le mécanisme de l'extermination est clairement démontré et illustré.



Le Musée était rempli de très jeunes militaires (ici on fait son service ,juste après le bac à 18 ans; ça explique beaucoup certaines réactions des soldat(e)s). On voit concrètement à quel point la mémoire de l'extermination est un élément mythique fondateur de la culture israélienne contemporaine.

Dînant ce soir avec une amie palestinienne, j'ai lancé l'idée d'organiser des visites de jeunes Palestiniens à Yad Vashem, pour qu'ils comprennent, pour qu'ils réalisent ce que ça représente pour les jeunes juifs israéliens. Elle me dit qu'un médecin palestinien en Cisjordanie a fait dans la salle d'attente de son cabinet une mini-exposition sur l'extermination des Juifs, qui suscite beaucoup d'intérêt et de curiosité; que ce fut exclusivement alors un problème européen (et américain) dont les Arabes payent aujourd'hui les conséquences, n'est pas vraiment un argument recevable aujourd'hui (même s'il l'était il y a 60 ans). De telles visites aideraient à éliminer toute tendance négationniste du mouvement palestinien, à mieux comprendre l'autre, et aussi à voir ressemblances et dissemblances entre deux situations : citoyens de deuxième zone, état racial, expropriations, problèmes des réfugiés, densité de population dans les ghettos, camps de personnes déplacées, droit au retour.

Après, on peut toujours rêver aux visites de jeunes juifs israéliens à un futur Musée de la Nakba à Deir Yassine...

Comme souvent, l'art commémoratif n'est pas d'excellente qualité. Même le montage vidéo de Michal Rovner n'est pas très bon, trop anecdotique. En haut, néanmoins, l'Arbre des Partisans de Zadok Ben David. En dessous, un wagon évocateur.

Dans le Jardin des Justes des Nations, liste des non-juifs qui ont sauvé des juifs, je suis frappé par le fait que près de la moitié des noms inscrits dans la pierre ici sont polonais : on nous ressasse le mythe du Polonais antisémite et pourtant il y a bien plus de Polonais Justes (6066 sur 22211) que de Français (2833).


Une stèle spéciale pour un village qui m'est cher, Le Chambon sur Lignon, représenté collectivement.

mardi 29 juillet 2008

Un peu d'art, quand même


Pavel Wolberg (qui exposa à la Mairie de Paris il y a deux ans) est une des meilleurs photographes israéliens issus du photojournalisme.


Voici un texte en Anglais d'Erez Schweitzer sur lui/



“There it is, maybe the most notorious thing, such an unsettling thing, in Pavel Wolberg’s photographs: the absence of horror. Viewing them is not depressing, although the reality they document is one of profound oppression; they do not infuriate, although the actions they depict are infuriating; they’re not defiant, although very many moments documented by them call for the implementation of justice; they do not instill a feeling of identification, although the distress they document is tangible, acute and ongoing; they do not arouse discomfort, although the reality they describe is vividly and notably unbearable. To put it otherwise, Pavel Wolberg’s photographs do not offer the comfort of empathy, of solidarity, of standing on the right side of the barricade.


Is that enough?

[...]
And yet it is probable that the key to his artistic world lies in his oscillation between these two. The way in which he frequently neutralizes his photographs from expected loads of sentiment and political conscience not only makes space for perceiving them as aesthetic objects done with great craftsmanship – which is to say manipulative, “personal,” for better or for worse – but also unmasks for the viewers the less immediate semblance of documented reality, its timeless dimension. It is probable that just because of that bothersome gap between a reality suffused with horror that Wolberg’s bears witness to and the absence of horror from his works, in precisely that gap are expressed his specific attitude as a photographer and his perception of the reality in which he acts.
[...]
Violence in Israeli-Palestinian society is ubiquitous, present day after day in the media until its potential for shock is warped, until the viewers’ senses are coarsened. The violence of the Israeli side is always represented in the media within some setting of justification or, at least, legitimized by what is defined as a “state of war“. In order to feel once again to what extent Israeli society has become aggressive, the lens has to be diverted to civilians, to the streets, from whence aggression resurges from the realm of the repressed. Feelings of shock before Wolberg’s photographs do not emerge at the sight of dismembered corpses, sites of terrorist attacks or ruined houses but right here, in the day-to-day through which shock has continuously been filtered, until it became immanent. When masked, the face of Israeli society is unveiled. Denial, the elementary sustenance of Israeli experience, is thereby revealed.”

Photo de Pavel Wolberg au checkpoint de Qalqilya

Un de plus

A l'instant :

Un garçon palestinien de dix ans a été abattu par l'armée israélienne d'une balle dans la tête, mardi 29 juillet, lors d'affrontements dans le village de Niline en Cisjordanie avec des manifestants qui leur jetaient des pierres, ont indiqué témoins et sources médicales. Un porte-parole militaire israélien n'a pas été en mesure de confirmer cette information, dans ce village proche de Ramallah, qui s'élève depuis plusieurs semaines contre l'érection d'un tronçon du "mur" de séparation qui l'isolera.

C'est dans ce même village que le soldat a tiré il y a trois semaines sur le prisonnier menotté et aveuglé.

Nouvelle dépêche il y a quelques minutes :

Un enfant palestinien de neuf ans a été tué mardi par des tirs israéliens dans le village de Nilin en Cisjordanie, où se déroulait une manifestation contre le mur de séparation, ont indiqué les services des urgences palestiniens. Des accrochages ont éclaté à Nilin, près de Ramallah, entre des manifestants qui jetaient des pierres et des soldats israéliens, qui ont ouvert le feu à balles réelles, a indiqué à l'AFP un membre du comité de Nilin contre la barrière de séparation, Salah al-Khawaja. L'enfant, Hammad Hossam Moussa, grièvement blessé à la poitrine, est décédé alors qu'il était transféré vers un hôpital de Ramallah, selon ces services. "Les manifestants sont arrivés sur les lieux de construction du mur, en dehors du village et les soldats se sont mis à ouvrir le feu avec des balles caoutchoutées", a précisé M. Khawaja. "Les manifestants ont été forcés de battre en retraite dans le village de Nilin, où l'enfant a été touché à la poitrine par une balle réelle", a-t-il ajouté. Interrogée par l'AFP, l'armée israélienne n'a dans l'immédiat fourni aucun commentaire. Nilin est le théâtre de manifestations hebdomadaires, souvent violentes, contre la barrière de séparation en Cisjordanie, auxquelles participent des militants pro-palestiniens venus d'Israël et de l'étranger. Israël qualifie la "barrière de sécurité" qu'il érige sur plus de 700 km en Cisjordanie, de mesure légitime et nécessaire qui a permis de limiter les attentats palestiniens en Israël. Les Palestiniens le qualifient de "mur de l'apartheid". Dans un avis rendu le 9 juillet 2004, la Cour internationale de justice (CIJ) a jugé illégale la construction de cette barrière et exigé son démantèlement, tout comme l'a fait ensuite l'Assemblée générale de l'ONU. Israël ne tient à ce jour pas compte de ces requêtes. Jeudi dernier, sept protestataires et deux militaires israéliens ont été blessés lors d'une manifestation similaire près de Nilin. C'est dans cette localité qu'un soldat israélien a été filmé le 7 juillet, tirant sur un Palestinien, menotté et les yeux bandés, alors qu'un lieutenant-colonel israélien lui tenait le bras. Un officier supérieur israélien a été suspendu mardi pour une durée de dix jours à la suite de cet incident. L'affaire avait été révélée par l'association de défense des droits de l'homme B'Tselem qui avait rendu publique il y a deux semaines une séquence vidéo montrant le soldat israélien tirant à bout portant une balle caoutchoutée sur un Palestinien arrêté par l'armée. Au moins 530 personnes, presque toutes des Palestiniens (en majorité membres de groupes armés), ont été tuées depuis la relance des négociations de paix israélo-palestiniennes fin novembre 2007 à Annapolis, aux Etats-Unis, selon un bilan établi par l'AFP.

Le Dôme


On ne peut qu'y accéder à certaines heures, et, en principe, par une seule porte (mais ça semble dépendre du bon vouloir des policiers israéliens aux portes : deux jolies italiennes sont passées en minaudant par une porte supposée réservée aux musulmans, et, juste derrière elles, les policiers m'ont refusé l'entrée). Donc l'entrée officielle pour les non-musulmans, avant 11h, surplombe le mur des lamentations, on passe par une passerelle couverte, c'est assez étrange.





En haut, un grand espace calme et la mosquée au centre. Au milieu des croyants et des touristes, des policiers armés et ce petit vieux au parasol en costume orthodoxe dont on se demande ce qu'il fait là.

Longeant les murs extérieurs, on a une vue superbe, mais certains endroits sont à l'abandon, voire pleins de gravas : plutôt choquant pour un lieu saint.

Mais, qu'on soit croyant ou non, cette esplanade est un lieu particulier, un de ces endroits où souffle l'esprit, comme le mur des lamentations en dessous, comme le chemin de croix plus loin. Cette ville incite, sinon à la foi, en tout cas à la spiritualité.

Sinon, visites de musées, dont je parle ailleurs.

lundi 28 juillet 2008

Archives Max Brod


Pour des raisons que je n'expliquerai pas ici, je m'intéresse à Kafka et au fait que son ami et exécuteur testamentaire, Max Brod, n'ait pas obéi à ses instructions et n'ait pas brûlé ses papiers. Max Brod s'installa en Palestine et y mourut, laissant ses archives (et donc celles de Kafka) à sa secrétaire et maîtresse, qui vient de mourir à 101 ans à Tel-Aviv. J'ai caressé l'espoir d'aller faire un peu de recherche, mais..
L'histoire, telle que contée ici, est savoureuse, mais je crains qu'il me faille un autre voyage pour consulter ces archives.
A propos, Kafka a écrit "J'admire le sionisme et il me dégoûte" (lettre à Grete Bloch en juin 1914) et pourtant lui était en contact avec la version 'Martin Buber'.

Boycott ?


L'autre question que je me pose est celle du boycott.

Quand j'avais vingt ans, il y avait un boycott de l'Afrique du Sud, plus ou moins appliqué par les Etats et pas les sociétés. Pour nous, cela consistait, quand nous rencontrions dans un bar un Sud-Africain (blanc, bien sûr, les noirs ne voyageaient pas), à ne pas leur payer à boire et à leur tourner le dos. Simpliste, un peu bête, mais finalement efficace.

Quand 30 ans plus tard, j'ai rencontré mon amie Gusti, Afrikaner Broderbund pur sang, qui épousa un non-blanc et alla en prison pour sa lutte contre l'apartheid, elle me raconta que, jeune étudiant de 20 ans, quittant son pays pour la première fois pour étudier à Amsterdam, se faire traiter de raciste par les Européens de son âge avait été sa première prise de conscience que quelque chose n'allait pas dans son pays.

Est-ce cela qu'il faut faire avec les Israéliens, tant que l'occupation durera ? Faut-il ne pas les inviter dans nos universités, ne pas leur parler dans les bars et les concerts, faire qu'ils se sentent mal ? Fallait-il boycotter leur présence au Salon du Livre ? (j'apprends ici, ce dont la presse française, BHL, Finkielkraut et Pierre Assouline se sont bien gardés de parler, que les écrivains israéliens invités à Paris, y compris le Palestinien, ont dû signer une déclaration s'engageant à ne pas critiquer la politique israélienne pendant leur voyage à Paris)

C'est en tout cas ce que conseillent TOUS les Israéliens juifs opposés à l'occupation que je rencontre. Pour eux, le changement ne viendra que de la pression extérieure, et le boycott lié à l'occupation en est une condition.

Certes, on se fera traiter sans cesse d'antisémites, et il faut que le boycott soit clairement lié à l'occupation. Mais c'est aussi une démarche si peu naturelle, si opposée au dialogue, à la volonté de convaincre que je peux avoir. Mais s'il n'y a pas de possibilité de convaincre ? Témoigner suffit-il ?

Autre grande question à examiner ici.

Mobilisation ?

Une des choses que je ne comprends pas (et je pose la question à Jeff Halper) est sa conviction, à lui et à la plupart des acteurs israéliens (juifs) de la lutte anti-occupation, que le changement dans la politique d'Israël ne peut pas venir de l'intérieur, mais seulement de la pression internationale sur Israël tant que l'occupation durera (pression des Etats, mais aussi des personnes, sous la forme d'un boycott, j'y reviendrai).
L'action des opposants n'est pas clandestine, la réunion à laquelle nous prenons part n'est pas interdite, Jeff Halper et d'autres peuvent parler, écrire (rarement dans les grands journaux, certes, mais dans des magazines, des livres, qu'on trouve en librairie). ils ont une liberté d'expression qui n'existait pas en Afrique du Sud, ni dans l'Union Soviétique, ni dans l'Allemagne nazie. Ils dénoncent des faits que toute personne raisonnable dénoncerait, des démolitions, des abus de droit, des meurtres, des tortures : ce sont des faits que le gouvernement israélien tente de dissimuler mais que, une fois exposés, il nie rarement, mais justifie du fait du terrorisme, de la lutte contre le 'jihado-islamisme' ou l'islamo-jihadisme, ça dépend.
Des intellectuels, des artistes dénoncent cette politique, mais ils semblent n'avoir qu'un impact extrêmement réduit sur l'opinion publique israélienne. La majorité des gens n'écoutent, semble-t-il, que le discours officiel. Pourquoi ?
Pourquoi le conflit semble-t-il être inscrit dans une zone du cerveau dépolitisée, mystifiée, irrationnelle ? Je ne peux croire que ce soit du fait du poids des médias, la voix des opposants est infiniment plus forte ici qu'elle ne l'était sous l'apartheid ou sous d'autres dictatures. Je ne peux croire que ce soit uniquement du fait du confort économique, de l'égoïsme. C'est peut-être en partie dû à la division des forces anti-occupation, peut-être au système de coalition gouvernemental.
Mais je commence à croire que c'est surtout une question d'idéologie, que le sionisme (celui qui est appliqué ici, celui de Jabotinski et de Ben Gurion, pas celui de Martin Buber, hélas) est une idéologie tellement plus forte, tellement plus difficile à contester que l'apartheid, le communisme ou même l'arianisme nazi. Est-ce un rempart contre toute contestation, une réponse holistique qui empêche toute divergence de vue ?
Je ne sais pas, c'est une des grandes questions que je me pose pendant ce voyage.

Jeff Halper



Jeff est le fondateur d' ICAHD. Dans le centre d'hébergement d'ICAHD en Palestine, près du chantier, il vient parler aux volontaires, de son expérience (voir son livre 'An Israeli in Palestine'), de sa prise de conscience, et de son analyse de la situation politique.


La solidarité, reconstruire des maisons, c'est très bien, mais, au delà des bons sentiments, ça sert à quoi ? ça fait évoluer la situation comment ? Quelle solution est envisageable et comment y parvenir ? Comment concilier idées et actions sur le terrain ?


Hier, nous parlons surtout de l'apparente impossibilité de trouver une solution. La situation actuelle est une politique d'épuration ethnique, d'apartheid et de bantoustans. Avec les colonies, le Mur et les blocages routiers, l'hypothèse d'un Etat palestinien viable s'évanouit. Israël, entre colonies et implantations militaires, contrôle la vallée du Jourdain, toutes les nappes phréatiques, toutes les voies de communication. La Palestine n'est plus qu'une série de confettis sur la carte, de 'cantons', qui se réduisent de jour en jour, et qui ne peuvent pas constituer un état viable.

Pendant ce temps, tout va bien en Israêl : l'économie (de plus en plus basée sur la défense), le tourisme, la sécurité. Le système politique fait qu'il n'y a aucune remise en question de la politique de colonisation.

Pour Jeff, la solution avec deux états ne peut plus être viable. Une solution avec un seul état, qui soit laïc (et non pas, comme aujourd'hui, un état juif, où les non-juifs sont des citoyens de deuxième zone), et où cohabitent plusieurs communautés, est-elle utopique (comme la Belgique) ?

Autant la lutte en termes de droits de l'homme est forte, autant on sent un flottement, voire un désarroi sur ce que pourrait être une solution juste et acceptée par les deux parties, tant le refus d'Israël de négocier sur les sujets clés est bloquant.

Sur la colline en face, derrière Jeff, une caserne de la police des frontières. Est aussi, présent ce jour là Jonathan Cook, journaliste basé à Nazareth et fin connaisseur de la situation des Israéliens Arabes, ainsi que plusieurs figures du mouvement israélien anti-occupation.

Destruction de maisons


J'ai passé la journée d'hier avec les activistes du Comité Israélien contre les Destructions de Maisons, ICAHD, une organisation qui confronte la tactique la plus insidieuse de la colonisation, occuper le terrain en détruisant les maisons des Palestinens de manière arbitraire. Vous en saurez plus sur leur site.

Tous les étés, ils organisent des chantiers où Palestiniens, Israéliens et internationaux reconstruisent quelques-unes de ces maisons, tout en découvrant la situation par des rencontres, des conférences, des discussions.



Voici d'abord quelques images du chantier (presque fini, la maison sera remise à la famille demain). Le risque que la Civil Administration, antinomique nom de l'administration militaire israélienne pour les affaires civiles en Palestine, envoie un bulldozer après-demain est loin d'être nul. La seule tactique alors est de s'interposer entre les bulldozers et la maison, les soldats en général ne tirent pas sur les Israéliens Juifs, ni sur les étrangers, mais tentent de les déloger à coups de poing, de pied, de bâton et avec des gas lacrymogènes.




Je parle longuement avec les volontaires, et en particulier avec les Juifs Israéliens. Plus sur ce sujet dans quelques jours.

Colonisation insidieuse

Je ne suis pas encore allé voir les colonies en Cisjordanie, mais dans la vieille ville de Jérusalem, petit à petit, la population juive (en général les ultra-orthodoxes en noir) occupent le terrain. La maison ci-dessus, qui emjambe une des rues les plus passantes du quartier arabe (El Wad), appartient à Ariel Sharon, qui n'y a bien sûr jamais habité, mais qui, par cette provocation (après son incursion sur le Mont du Temple qui déclencha l'intifada), affirmait de manière péremptoire sa politique colonisatrice.

A côté, une des nombreuses autres implantations, avec drapeaux et caméras de surveillance. Mais il est difficile d'imaginer une famille arabe s'installer dans le quartier ultra-orthodoxe et y imposer 'le bruit et l'odeur'; si, par extraordinaire, ils y parvenaient, grâce, eux aussi, à des prête-noms, la police les expulserait immédiatement. Pourtant, ça mettrait un peu de musique dans ces quartiers gris où il ne fait pas bon s'aventurer en touriste.
Mais tant que des Européens ou des Américains, par ailleurs gens raisonnables, penseront que des règles qui devraient s'appliquer ailleurs n'ont pas à s'appliquer en Israël, pays spécial, à Jérusalem, ville à part, lieux où on doit accepter des règles qui, ailleurs, seraient choquantes, voire inadmissibles, tant que cette fiction d'une exception israélienne persistera dans les esprits, plus ou moins alimentée par la culpabilité collective soigneusement entretenue par la propagande pro-israélienne, tant que toute critique, qui, envers un autre pays, serait applaudie, sera, si elle porte sur Israël, aussitôt perçue comme non-objective, voire comme anti-sémite, la politique de discrimination pourra s'appliquer sans problèmes.
Voici un monument islamique avec bandeau décoré et nids d'abeille : visiblement la protection des sites historiques a cédé devant les impératifs de sécurité...
Allez, pour se consoler, un autre superbe étal d'épices; dommage que vous ne puissiez pas jouir de l'odeur!

Photographe arménien


Dans tout le Moyen-Orient, les Arméniens ont été, dès le milieu du XIXème siècle, les premiers photographes en studio.

Il y en a un aussi à Jérusalem, aimable et passionné. Je lui ai acheté quelques tirages (récents; les vintages iront un jour dans un Musée, dit-il), mais il ne vend pas les portraits des belles dames qui sont passées devant l'objectif de son père, leur famille pourrait ne pas apprécier. De plus, le portrait que j'aurais aimé acheter se révèle être celui de sa mère à 20 ans : mes plates excuses sont acceptées d'un sourire.

J'ai aussi pris son livre, hommage à son père, superbe.

Vous pouvez commander par Internet sur son site http://www.eliaphoto.com/index.html

La photo ci-dessus (Khan el Ze'it 1936) représente un jeune Juif orthodoxe tentant de cacher le visage d'un autre plus âgé, furieux d'être photographié: photo volée.

samedi 26 juillet 2008

Expulsion

Ca arrive :
http://schlomoh.blog.lemonde.fr/2008/07/15/la-feuille-de-chou-n%c2%b01238-expulsee-disrael/

Art religieux


C'est une ville sainte avec une profusion d'églises. L'architecture de certaines est intéressante, mais rien qui vous transporte comme la cathédrale de Reims ou l'église d'Orcival. Des éléments remarquables ici ou là, mais aussi un style composite assez creux, dans l'ensemble.

Quant à la décoration intérieure des églises, c'est en général d'un kitsch sulpicien, parfois émouvant, mais d'un niveau artistique médiocre. Ni Titien, ni Raphaël ici.


Je me demande pourquoi les congrégations chrétiennes, puissantes, riches, rayonnantes se sont contentées de cette relative médiocrité artistique, pourquoi elles n'ont pas commandé ou transporté ici des oeuvres sinon majeures, en tout cas regardables avec plaisir.




Voici quelques images d'une des églises que je préfère jusqu'ici, celle des Ethiopiens, dans un enclos avec les cellules des moines accueillants et souriants : belle architecture toute simple et décor acidulé entre naïf et kitsch, mais émouvant.

Shabbat



Depuis vendredi soir, et jusqu'au coucher du soleil ce soir, la ville est déserte. Pratiquement pas de voitures, aucun bus, tous les magasins sont fermés, il faut chercher longtemps un restaurant ouvert. Le poids des religieux est si fort ici à Jérusalem qu'ils imposent leur loi à tous. Certaines rues sont fermées. Et quand je m'approche d'un quartier religieux, des hommes en noir m'intiment l'ordre de faire demi-tour. Pas question de les prendre en photo, bien sûr.


Comme le montre ce panneau, tout une partie de la ville est sacralisée, n'est plus soumise aux règles publiques, mais aux règles privées d'une communauté. Et ils font interdire aussi les piscines mixtes, les concerts aux soldats avec des chanteuses : la femme est impure. Pas très loin de l'islamisme radical, en fait. Laïcité, société civile, tolérance au sein de l'espace public semblent être des notions inconnues ici.

vendredi 25 juillet 2008

L'invention de la photo


Septième station du chemin de croix : ici Véronique essuya la visage du Christ avec un voile, et la première image fut créée.

Chemin de croix

Cet après-midi, avant le shabat, j'ai suivi le chemin de croix sur la Via Dolorosa, mené par cinq moines franciscains, suivis par une foule de pélerins, nonnes et touristes.

Il y a aussi un bedeau en fez rouge avec un fouet (symbolique à la main).

Et on finit au Saint Sépulcre. Impossible d'accéder au tombeau, trop de monde, mais l'édifice qui l'abrite est percé de deux boyaux obliques à travers lesquels j'ai pris cette étrange photo d'une bougie fixée sur le livre de prières d'un des moines.

Saboteurs ? Terroristes ?

Dans Jérusalem Ouest, des petites plaques bleues rappellent les hauts faits des combattants de l'Irgun et des autres mouvements clandestins au moment de la guerre de 1948. Leur texte est en général très 'politiquement correct' au sens local du terme : des héros, aucune atrocité, etc..
C'est pourquoi j'ai été surpris de trouver ici ce que j'ai d'abord lu 'saboteurs'. Ayant photographié la plaque, je réalise que ce qui est écrit, c'est 'saboreurs'. Mot étrange, inconnu au dictionnaire, fusion de sapeur, de sabreur et de saboteur, peut-être ou lapsus révélateur d'une incapacité à assumer ces attentats, la bombe de l'hôtel King David ou l'assassinat de Bernadotte. (Après vérification, le texte hébreu dit 'combattants', pas 'saboteurs')


Pas très loin, dans un petit café, je remarque l'affichette ci-dessus, un permis de chasse au terroriste. Pas mal, non ? La patronne m'engueule quand je prends la photo, je lui réponds que si elle a affiché cela, c'est qu'elle veut qu'on le voit, qu'elle ne devrait pas avoir honte de ses opinions.

Dans la mythologie ici, il y a les terroristes pour la bonne cause, Begin, Shamir and co en 1948 et les mauvais terroristes, ceux qu'on combat aujourd'hui. C'est tellement simple le monde, quand on ne réfléchit plus. En France, il y a 65 ans, nous avions aussi des terroristes.

Rien à voir

Mais je viens de recevoir ce message.

George Carlin's Views on Aging

Do you realize that the only time in our lives when we like to get old is when we're kids? If you're less than 10 years old, you're so excited about aging that you think in fractions. 'How old are you?' 'I'm four and a half!' You're never thirty-six and a half. You're four and a half, going on five! That's the key.
You get into your teens, now they can't hold you back. You jump to the next number, or even a few ahead. 'How old are you?' 'I'm gonna be 16!' You could be 13, but hey, you're gonna be 16! And then the greatest day of your life . You become 21. Even the words sound like a ceremony . YOU BECOME 21. YESSSS!!!
But then you turn 30. Oooohh, what happened there? Makes you sound like bad milk! He TURNED; we had to throw him out. There's no fun now, you're just a sour-dumpling. What's wrong? What's changed? You BECOME 21, you TURN 30, then you're PUSHING 40. Whoa! Put on the brakes, it's all slipping away.
Before you know it, you REACH 50 and your dreams are gone. But wait!!! You MAKE it to 60. You didn't think you would! So you BECOME 21, TURN 30, PUSH 40, REACH 50 and MAKE it to 60.
You've built up so much speed that you HIT 70! After that it's a day-by-day thing; you HIT Wednesday! You get into your 80's and every day is a complete cycle; you HIT lunch; you TURN 4:30 ; you REACH bedtime. And it doesn't end there. Into the 90s, you start going backwards; 'I Was JUST 92.' Then a strange thing happens. If you make it over 100 , you become a little kid again. 'I'm 100 and a half!' May you all make it to a healthy 100 and a half!!

HOW TO STAY YOUNG
1. Throw out nonessential numbers. This includes age, weight and height. Let the doctors worry about them. That is why you pay 'them.'
2. Keep only cheerful friends. The grouches pull you down.
3. Keep learning. Learn more about the computer, crafts, gardening, whatever. Never let the brain idle. 'An idle mind is the devil's workshop.' And the devil's name is Alzheimer's.
4. Enjoy the simple things.
5. Laugh often, long and loud. Laugh until you gasp for breath.
6. The tears happen. Endure, grieve, and move on. The only person, who is with us our entire life, is ourselves. Be ALIVE while you are alive.
7. Surround yourself with what you love, whether it's family, pets, keepsakes, music, plants, hobbies, whatever. Your home is your refuge.
8. Cherish your health: If it is good, preserve it. If it is unstable, improve it. If it is beyond what you can improve, get help.
9. Don't take guilt trips. Take a trip to the mall, even to the next county; to a foreign country but NOT to where the guilt is.
10. Tell the people you love that you love them, at every opportunity.

AND ALWAYS REMEMBER :Life is not measured by the number of breaths we take, but by the moments that take our breath away.
And if you don't send this to at least 8 people - who cares? But do share this with someone. We all need to live life to its fullest each day!!

Consensus


Une des choses étonnantes dans ce pays, est que, à part une toute petite minorité d'activistes et d'intellectuels, la quasi totalité des gens ne fait montre d'aucun esprit critique à l'égard du discours officiel. Dès que les mots 'antisémitisme', 'terrorisme' ou 'sécurité' sont prononcés, plus personne ou presque n'ose discuter, de crainte d'être perçu comme un mauvais citoyen, un mauvais Juif, un 'self-hater', un 'refuznik'.

Dans le Jérusalem Post (je préfère de beaucoup Haaretz, mais je ne l'ai pas trouvé) un long éditorial sur les médias (qui n'est apparemment pas encore en ligne sur leur site) et le fait qu'elles devraient faire preuve de retenue, à propos de l'enquête pour corruption d'Olmert et des négociations avec le Hezbollah. Puis, dans le même éditorial, une mention de l'incident récent où un soldat israélien a tiré à bout portant sur un Palestinien menotté dans le dos et aveuglé par un bandeau. On s'attendrait à ce que l'éditorial ne se contente pas de trois mots pour condamner l'incident, mais suggère à l'armée de discipliner et d'éduquer ses soldats, si tant est que ce soit possible.

Pas du tout : l'incident a été filmé par une jeune Palestinienne avec une caméra fournie par la ligue des droits de l'homme (B'Tselem), un des fers de lance de la lutte anti-occupation. L'éditorialiste du Jerusalem Post critique l'armée pour ne pas avoir éduqué ses soldats au fait qu'ils opèrent dans un environnement médiatique. En somme, continuez les exactions, mais vérifiez d'abord qu'il n'y a pas de caméra. D'ailleurs, l'enquête militaire n'a démarré qu'après que la vidéo ait fait surface, 15 jours après l'incident.

Partout ailleurs, ce cynisme ferait vomir, hurler. Ici, c'est normal, c'est pour la bonne cause, pour la lutte contre le terrorisme.

jeudi 24 juillet 2008

Mur des Lamentations






Devant le mur, une immense plaza : tout cette partie de la vieille ville a été rasée après 1967 pour permettre de grands rassemblements devant le mur, mais aussi pour créer un quartier juif, propre et bien éclairé, lui (je vais faire des photos comparatives des deux systèmes de ramassage d'ordures, systèmes gérés par la municipalité : le jour et la nuit. Mais, c'est bien connu, les Arabes sont sales). De plus, peu à peu, des familles juives orthodoxes s'installent ailleurs dans la vieille ville, la colonisant peu à peu, faisant expulser les habitants sous divers prétextes juridiques. On voit donc partout des juifs orthodoxes, vêtus de noir, marchant vite, bousculant tout sur leur passage dans le dédale des souks de la vieille ville.





La plaza devant le mur est partagée en trois zones, une 'libre' et deux de prières, masculine et féminine. Pour accéder à la première, après le contrôle de sécurité, il faut être vêtu décemment et on prête éventuellement un châle aux femmes pour cacher leurs épaules. A côté de moi, une jeune femme européenne avec un très discret crucifix dans l'échancrure de son chemisier. "Cachez-moi ça !" lui dit la matrone. Est-il interdit d'entrer dans une église avec une croix de David au cou ? Signe religieux ostentatoire ? On se croirait en Arabie Saoudite, les extrémismes religieux se rejoignent.



Pour accéder à la zone de prière, il faut, pour moi, une kippa (non, vous n'aurez pas ma photo en kippa). Il y a quelque chose de très beau, de très émouvant à voir ces hommes en noir se balancer d'avant en arrière devant cet endroit où, pour eux, la présence divine est permanente, mais il y a tout le reste autour, tout le pouvoir, le racisme, l'autocratie qui viennent polluer cette beauté.



Photo des petits bouts de papier qu'on enfonce dans le mur avec ses voeux. Obama était là le matin même, des gens ont essayé de retrouver son bout de papier, mais sans succès.

Sarkozy en keffieh




L'occupation va de pair avec une certaine liberté d'expression, maintenue dans des limites strictes, mais qui permettent depuis quelques années d'arborer discrètement le drapeau palestinien ou de vendre des T-shirts à l'effigie d'Arafat.

Quant à Sarkozy, ça ne lui va pas vraiment !

A côté, ce superbe et odorant étal d'épices, un délice

Armes

Partout des hommes armés. Policiers et soldats (policières et soldates aussi, d'ailleurs), omniprésents, quadrillant la ville, ne laissant pas oublier une seconde dans quel régime on vit.

Mais aussi des gardes sans uniforme bien défini, comme celui-ci dans un poste qui protège apparemment une maison de colons juifs en plein quartier arabe de la vieille ville.

Et puis des civils 'ordinaires' : premier matin à la terrasse d'un café, non ce n'est pas un téléphone portable qu'il a à la hanche.

Ma surprise un peu plus tard de voir deux hommes armés entrer, kippa sur la tête, dans la basilique du Saint Sépulcre et prendre des photos, en vrais touristes; je n'ai pas osé prendre leur photo.

Et que trouve-t-on dans les étalages de jouets pour enfants ?

Cette omniprésence des armes, de la violence va de pair avec une rudesse dans les rapports humains: bonjour, merci, au revoir semblent des mots rares. J'ai bien aimé ce commentaire : "Vous savez que vous êtes en Israël quand...
Dans un bar, quelqu'un vous pique la place aux toilettes (un Israélien qui fait la queue, ça va pas, non ?) mais vous n'osez rien dire parce qu'une crosse de revolver dépasse de l'arrière de son pantalon." lu dans ce blog. C'est tellement évident dès le premier abord; ça change de la politesse arabe.

Découverte d'en haut

Le premier jour, pour commencer à découvrir la vieille ville, je fais le tour (partiel) des remparts. C'était la frontière de 1948 à 1967. D'un côté la ville moderne, aérée, propre, moderne, de l'autre le dédale de la ville arabe enclose de murs, avec les lieux saints. Marcher sur les remparts en plein soleil, c'est sentir physiquement cette frontière. Vous trouverez sûrement des bons sites touristiques avec de belles photos, donc je vais seulement vous donner quelques impressions.

Une des entrées, la Porte de Jaffa, transition entre ces deux mondes.


Une des congrégations chrétiennes, vue d'en haut avec 'Terra Sancta' et, en rouge à gauche, 'No Entry' (bon, d'accord, c'est un peu facile).


Une petite mosquée familiale, Masjid al Qaymariyya, son dôme et son standard (c'est quoi, le nom exact de cet éperon sur le toit du dôme ?)



Plusieurs vues des toits de la vieille ville, avec, soudain le dôme doré de la mosquée, au loin.



En arrivant à la Porte de Damas, tout à coup, on passe une frontière invisible : les bruits, les odeurs changent : tumulte, confusion, épices, figues, on a définitivement quitté l'enclave occidentalisée, on est au Moyen-Orient.



Vue d'en haut, une cour d'école un peu miteuse, avec sur un mur, le mot liberté dans toutes les langues : triste à pleurer. Liberté, j'écris ton nom : poème sous l'occupation.




Dans une autre partie des remparts, un enterrement (arménien ? orthodoxe ?) près de l'Eglise de la Dormition.




Et une écurie avec de bien beaux chevaux : c'est la police israélienne montée.


Après, je redescend et je me mêle à la foule, alors que les remparts étaient quasi déserts.