jeudi 30 juillet 2009

Hébron avec Breaking the Silence


Breaking the Silence est une association d'anciens militaires israéliens qui dénoncent les atteintes aux droits et les comportements inhumains des militaires dans les territoires occupés. Ils viennent de publier des témoignages de soldats de la dernière opération sur Gaza, qui racontent les ordres qu'ils ont alors reçus : c'est bien pire que ce que Amnesty et d'autres ONGs internationales peuvent imaginer. Du coup, l'armée va "enquêter"; il n'en sortira sans doute rien, comme à chaque fois.




Ces anciens militaires, horrifiés par ce qu'on leur a fait faire et par le silence vertueux des autorités militaires, font aussi des conférences en Israël, en particulier auprès des adolescents avant leur service militaire. Ils organisent chaque semaine une visite d'Hébron, une des villes où l'occupation est la plus dure, du fait des colons extrémistes installés dans la ville même sous la protection de l'armée et des exactions de ces colons envers la population palestinienne sans que l'armée n'intervienne. En effet, les soldats ne peuvent pas intervenir contre les colons, seuls les policiers le peuvent et ils ne sont jamais là. De plus, un enfant juif de moins de 14 ans ne peut pas être inquiété (ce qui n'est bien évidemment pas le cas d'un enfant arabe) et on les met donc aux premières lignes.


Nos deux guides, deux ex-officiers des troupes d'élite, nous racontent la vie quotidienne des militaires, les opérations nocturnes dans les maisons, la formation donnée aux soldats, le mélange de sadisme et d'ennui dont ils font preuve aux checkpoints : qui fera attendre le plus longtemps le plus de Palestiniens, par exemple. Ce qui me surprend est l'absence de directives opérationnelles données aux soldats pour les encadrer : ils semblent livrés à eux-mêmes, sans règles morales et encouragés à faire tout ce qui leur plait aux dépens des civils.




Nous marchons dans l'ancienne rue principale d'Hébron, aujourd'hui désertée, car seuls les colons et l'armée peuvent l'emprunter. Les maisons arabes qui donnent sur cette rue sont grillagées pour se protéger des jets de pierre. Il y a là quatre colonies au sein même de la ville; l'une d'entre elles est même à l'intérieur d'une base militaire, comme un bouclier humain à l'envers. La tension est visible; notre groupe d'une vingtaine de personnes, israéliens et étrangers est à la fois protégé et surveillé par autant de policiers d'élite (en treillis gris) qui nous filment, nous empêchent de rester trop longtemps, mais aussi peuvent intervenir si les colons nous caillassent ou nous jettent des ordures (ce qui est déjà arrivé et avait en particulier entraîné l'arrêt des visites l'été dernier quand je voulais y aller). Le seul incident ce jour là sera cinq petits enfants juifs (dix ans peut-être) qui nous insultent et qu'un policier éloigne gentiment.


Nous allons dans la maison d'un palestinien dont le fils de 15 ans a été récemment battu par les soldats; il n'a pas pu porter plainte auprès de la police, sa femme et lui ont aussi été battus. Il n'a pas accès à sa maison en voiture, doit tout porter sur son dos (il nous raconte avec humour la réparation de sa machine à laver). Les soldats occupent régulièrement sa maison et le chassent dehors avec toute sa famille : comme ces occupations arrivent en général au moment de retransmission à la télévision de matchs de football (les soldats sont au frais chez lui, mangent, boivent, souillent la maison pendant que lui attend dehors pendant la durée du match), il vient d'annuler son abonnement à la chaîne sportive...


J'aurais voulu voir la tombe de Baruch Goldstein, le colon qui tua des dizaines de musulmans dans la mosquée et qui est aujourd'hui vénéré par les colons, mais notre guide n'y tient pas. Nous n'allons pas non plus dans le tombeau des patriarches, source du conflit ici : Abraham acheta ce terrain pour sa tombe, donc il doit appartenir à Israël. Le bâtiment est coupé en deux, une moitié mosquée, une moitié synagogue. Mais ce que j'apprends, c'est que lors des grandes fêtes juives, tout le bâtiment devient une synagogue, et vice versa lors des grandes fêtes musulmanes : un emblème des contradictions de ce pays.

mercredi 29 juillet 2009

Scoutisme à l'israélienne




Dans le nord, sur les hauteurs du Golan occupé et annexé par Israël, je visite le chateau-fort en ruines de Nimrod, très impressionnant, construit au début du XIIIème siècle par les Arabes. Je suis le seul visiteur, avec plusieurs centaines d'adolescents scouts israéliens en uniforme bleu.

Quelques-uns portent des fusils mitrailleurs en carton, déjà je tique un peu.

Et puis je vois les chefs scouts en chemise rouge qui encadrent la troupe : le fusil qu'ils portent n'est pas en carton, lui !

Etrange dévoiement des principes du scoutisme, mais, comme tout dans ce pays, ce doit être pour 'raisons de sécurité', au cas où un méchant terroriste arabe se serait caché dans les ruines.

Je ne cesse pas d'être étonné par cette propension à la violence.

mercredi 15 juillet 2009

Une dernière photo de la 'confrontation' noirs -police


D'autres photos de la manifestation des ultra-orthodoxes
















Je ne maîtrise pas bien la mise en page

Dès le premier jour, une manif'


Je sors du Museum on the Seam, un musée à la fois artistique et socio-politique (dont je parlerai ailleurs). Le Musée est dans un bâtiment (dont la propriété est par ailleurs contestée par la famille palestinienne propriétaire, expulsée en 1947) qui se trouve là où était la frontière de 1948 à 1967 au sein même de Jérusalem. Aujourd'hui, tout le quartier est occupé par des juifs religieux ultra-orthodoxes, des 'noirs' comme on dit ici. Ils commencent d'ailleurs à occuper des immeubles de l'autre côté, dans le quartier arabe et les expulsions à leur profit se multiplient et sont l'occasion de bien des protestations. L'avenue qui fut la ligne de séparation est en chantier, on y construit un tramway qui va relier les colonies de peuplement (illégales) à l'Est et le centre de Jérusalem, tramway qui sera bien entendu inacessible aux Palestiniens, interdits d'accès dans les colonies, et qui marquera encore plus l'annexion de ces territoires colonisés à Israël. La construction du tramway prend beaucoup de temps: récemment le mouvement de boycott a obtenu le retrait de Véolia du consortium de construction; reste à obtenir celui d'Alstom...







Mais le bruit que j'entends depuis la terrasse du Musée n'est pas celui d'une manifestation anti-expulsion ou anti-colonisation : ce sont les 'noirs' qui manifestent. Est-ce contre les fouilles archéologiques qui se sont ouvertes sur le chantier du tramway ? Ici, l'archéologie est une arme, l'histoire est mise au service de la politique et tout ce qui pourrait remettre en question les mythes sur la grandeur passée d'Israël est systématiquement contesté. Ou est-ce contre le fait qu'un parking va rester ouvert le samedi ailleurs dans Jérusalem, sacrilège épouvantable aux yeux de ces fanatiques religieux ? Je ne saurai pas. Mais j'ai lu que depuis quelques jours la tension montait dans ce quartier ultra-orthodoxe de Mea Sharim où on vit selon des règles assez effrayantes aux yeux du monde civilisé. Ils protestaient aussi récememnt contre le placement en hopital psychiatrique d'une femme ultra-orthodoxe qui maltraitait ses enfants : seul Dieu a le droit de la punir.


Donc la circulation est interrompue, des barrières du chantier sont tordues pour bloquer l'avenue, une benne est renversée, les automobilistes sont retenus en otages. Il n'y a là que deux malheureux policiers de la circulation, qui ne font rien, qui laissent faire. Il faut près d'une heure pour que deux autres policiers, casqués eux, arrivent et tentent de rétablir le passage. Ils sont traités de nazis, bombardés de crachats, de pierres et de bouteilles, et restent là stoïquement, ne faisant usage, ni de leur matraque, ni de leur bombe lacrymogène. Il faut encore un long moment pour que des renforts arrivent et que la circulation soit enfin rétablie. Apparemment, ça recommencera ce soir ou demain, ici ou ailleurs. Bien sûr, personne n'a été arrêté.


Je suis plein de respect pour la pondération, le calme et le respect dont fait preuve la police israélienne face à ces manifestants troublant violemment l'ordre public. Il est bien évident que les consignes ne sont pas les mêmes que face aux Palestiniens (et pas seulement les consignes d'ailleurs, mais, disons, la sympathie ethnique). Dans les manifestations palestiniennes que j'ai vues, un dixième de ces actions aurait entraîné des dizaines d'arrestations et un tir à balles de caoutchouc, plus des nuages de lacrymogène. Est- ce si étonnant ?

mardi 14 juillet 2009

De retour

Me voici de retour dans la chaleur étouffante de Jérusalem. Première impression : le taxi collectif depuis l'aéroport qui, à 5 h du matin, dépose tous les passagers juifs chez eux, faisant mille détours, mais qui, quand je lui donne mon adresse à Jérusalem Est, me dit que les rues y sont trop étroites et qu'il n'y va pas habituellement. Il faut le mettre en face de sa pratique discriminatoire pour obtenir qu'il se détourne et m'éviter de trainer ma valise sur près d'un kilomètre depuis la porte de Damas.
Au Consulat de France pour le 14 juillet, les habits des dignitaires religieux sont somptueusement élégants.
Et il faut se réhabituer à la chaleur.