jeudi 7 août 2008

Un camp de réfugiés


Les camps ne sont plus, depuis longtemps, faits de tentes, mais les bâtiments en dur y sont petits et surpeuplés, avec des services rudimentaires. Celui-ci, Aida, dans Bethlehem juste au pied du mur, a une infrastructure sociale très développée, en particulier pour les enfants : centre informatique, cours (danse, musique) et activités variées.
Chacun sait que les Palestiniens chassés par l'armée israélienne et les massacres de l'épuration ethnique de 1948 (lire l'historien Ilan Pappé) sont souvent partis avec la clef de leur maison, devenue un symbole de la Nakba et du droit au retour, tel qu'affirmé par la résolution 194 de l'ONU en décembre 1948 et la convention de Genève de 1949 que, bien sûr, Israël n'applique pas. A l'entrée du camp de Lajee, pour 'commémorer' le 60ème anniversaire de la création de l'état d'Israël a donc été construite cette arche de béton avec au sommet, la plus grande clef du monde, qui a fait son entrée dans le Guinness des Records, paraît-il.



Deux vues du mur, couvert de graffitis, qui surplombe le camp.
Un des projets du Centre Lajee qui m'a beaucoup plu tire parti d'une 'faille' dans la législation israélienne : un Palestinien de plus de 16 ans ne peut pas avoir de permis de voyage en Israël, mais un enfant de moins de 16 ans peut voyager, avec l'accord notarié de ses parents, s'il est accompagné d'une personne autorisée, par exemple un étranger. Le Centre a donc monté un programme où des enfants ont interviewé leurs parents, grands-parents ou aïeuls sur le village d'origine d'où la famille a été chassée en 1948; un photographe anglais, Rich Wiles, a donné des cours de photo aux enfants et leur a fourni des appareils. Les enfants, accompagnés tout à fait légalement de volontaires internationaux, sont alors allé en Israël faire des reportages sur leurs villages d'origine. En sont résultés une exposition et un livre, Dreams of Home.
Une des plus belles photos, à mes yeux, a été faite par Yazan Jamal, 11 ans, du village de Beit Atab; le village, au Sud-Ouest de Jérusalem, a été rasé et remplacé par une réserve naturelle; à peine subsistent ici et là des fondations. Le petit garçon a pris la photo d'uns stèle où est inscrit "The Silver Family Nature Trail, in memory of Avrom Silver by his loving wife and children, Toronto, Canada" avec la citation "To safeguard the paths of justice, for He protects the way of his devout ones". Edifiant !

Tombeau des Patriarches


A Hébron, donc, sont enterrés Abraham, Isaac, Jacob et leurs femmes. C'était un lieu de culte mixte, musulman et juif, jusqu'au 25 février 1994, jour de ramadan où un colon juif d'Hébron, le médecin Baruch Goldstein entra sans être contrôlé dans la partie musulmane du sanctuaire et tira à la mitraillette sur les fidèles en prière: 29 morts, 200 blessés. Goldstein fut lynché par la foule; l'état israélien détermina qu'il était en état d'insanité (c'est un pays où un médecin fou a le droit de porter une mitraillette), donc non coupable, mais que ses meurtriers devaient être poursuivis. La maison de Goldstein ne fut pas détruite par les bulldozers. Un mémorial en son honneur a été construit dans la colonie juive.




Depuis le sanctuaire est coupé en deux, Abraham et Sarah au milieu, Isaac et Rébecca du côté musulman, Jacob et Léa du côté juif. Pour y entrer (du côté musulman; la synagogue est interdite aux non-juifs et n'est accessible que depuis la colonie), contrôle de sécurité. Un de nous, allemand, se prénomme David; la soldate (à gauche sur ma photo volée) veut absolument lui faire reconnaître qu'il est juif, ce qu'il n'est pas. Elle lui déconseille d'entrer, lui disant que les musulmans dans la mosquée vont le tuer car ils vont le considérer comme un juif.

Voici l'intérieur, coloré et paisible, avec les cénotaphes de Rebecca et d'Isaac. Le cénotaphe d'Abraham dont uen autre partie est visible depuis la synagogue, est derrière cette grille. Les tombes sont en dessous, inaccessibles; on aperçoit la grotte par une petite ouverture dans le mausolée ci-dessus. Le dernier qui a pu descendre dans la grotte fut Moshé Dayan.




Hebron

C'est sans doute la ville en Palestine où la tension est la plus tangible; c'est, avec Jérusalem, le seul endroit où les colons israéliens sont installés en pleine ville et non pas seulement dans de nouvelles implantations de contrôle sur les hauteurs (Kyriat Arba). Et si, à Jérusalem, l'implantation juive dans la vieille ville depuis 1967 ne peut guère être remise en question, le caractère plus récent (1979) et plus violent de la colonisation juive au centre d'Hébron en fait un problème très différent.

La raison de cette implantation est comme toujours double : une raison religieuse, idéologique (les tombeaux des prophètes, voir le prochain billet) et une raison politique, de contrôle du sud de la Palestine, et économique, pour juguler une des villes les plus dynamiques économiquement du pays et la couper de ses marchés.



La vieille ville a donc en son sein une enclave de colonisation, avec peut-être une cinquantaine de familles de colons parmi les plus intégristes et les plus violents, qui agressent régulièrement les Palestiniens et les rares visiteurs étrangers : ce matin, des diplomates anglais accompagnés par des militants de Breaking the Silence, l'organisation d'anciens militaires israéliens dénonçant la politique d'occupation, ont été attaqués par un colon (Haaretz). Pour protéger ces colons, des centaines de soldats israéliens, aux aguets. Dans beaucoup d'immeubles de la vieille ville, les soldats sont sur les toits des immeubles occupés par des familles palestiniennes : interdiction de les photographier, photos volées.








Dans certaines rues, les colons occupent les étages supérieurs et jettent des pierres ou des détritus sur les passants. Tous les colons sont armés, même les adolescents. Dans la rue, ils harcèlent fréquemment les Palestiniens, qui sont soumis à un couvre-feu.








Du coup, les rues sont désertes, la plupart des magasins sont fermés (en fait, sur les 304 boutiques fermées en janvier 2008, 218 l'avaient été par ordre de l'armée israélienne), il n'y a presque pas de touristes; les boutiques reçoivent $200 par mois de l'Autorité Palestinienne pour ne pas fermer, pour maintenir une présence malgré tout. Je trouve un antiquaire et je lui achète tout son stock de pièces trouées du Mandat pour ma fille.








Entrée de la vieille ville, avec tous les bunkers armés sur les toits, et la yeshiva intégriste des colons.








Nous sommes reçus par les 'témoins' de l'organisation Christian Peacemaker Teams, une de celles qui recensent tous les incidents qui surviennent ici. Parmi eux, un Anglo-Saxon de 80 ans, juif converti au christianisme, souffrant d'arthrite, qui arpente infatigablement avec sa canne les rues de la ville. De leur terrasse, quelques photos de la ville, d'une ruelle barrée, de la rue réservée aux colons.



Dans la rue, soudain, une patrouille de fantassins israéliens (des Druzes, paraît-il, les pires collabos); on se retrouve repoussés contre le mur. Notre guide raconte son humiliation la dernière fois qu'il est venu, les soldats prenant sa carte d'identité, la jetant dans le caniveau pour qu'il la ramasse à plusieurs reprises, le gardant une heure (et tout le groupe avec lui) uniquement pour montrer leur pouvoir, pour l'humilier.