lundi 11 août 2008

Mahmoud Darwish 2

Il a fallu atendre jusqu'à maintenant (lundi 11 à 19H) pour avoir enfin sur le site du Monde.fr une nécrologie de Mahmoud Darwish qui ne soit pas biaisée comme celle d'Assouline.
Je la reproduis ici.

Le Palestinien Mahmoud Darwich, l'un des plus grands poètes arabes contemporains, est mort samedi 9 août, à l'âge de 67 ans, dans un hôpital de Houston, des suites de complications consécutives à une intervention chirurgicale sur un anévrisme de l'aorte. L'Autorité palestinienne a décrété un deuil officiel de trois jours. A travers son oeuvre - près de trente recueils traduits en une quarantaine de langues - Darwich touchait les fibres les plus sensibles de ses lecteurs et de son auditoire, qu'il s'agisse de l'interminable tragédie palestinienne, de l'amour, du désir, de l'espoir, en un mot de la vie.

Depuis 1998, date à laquelle il avait été opéré à Paris d'un anévrisme de l'aorte, Mahmoud Darwich vivait dans un dialogue lyrique constant avec la mort. "Mort je t'ai vaincue", avait-il alors écrit dans Murale, magistrale méditation sur la mort, qui inaugurait le cycle de ce que certains considèrent comme les plus beaux de ses recueils. Il avait confié en juillet qu'il espérait "avoir le temps de terminer son dernier recueil". Darwich savait en effet que son corps risquait de le lâcher. Et c'est bien pour l'en empêcher qu'il s'était rendu aux Etats-Unis pour se faire opérer. Il avait écrit un jour : "Si je devais mourir, j'aurais honte de faire pleurer ma mère."

L'exil forcé, les souffrances et "l'injustice" faites à son peuple étaient une blessure profonde jamais cicatrisée. "On ne peut vivre avec la blessure de la disparition de la patrie, a-t-il déclaré un jour au Monde, que si une cohabitation équilibrée s'instaure entre les "deux réalités", juive israélienne et arabe palestinienne, dont aucune ne peut éradiquer l'autre." "L'espoir, assurait-il, est une maladie incurable chez les Palestiniens, l'espoir d'une vie normale où nous ne serions ni héros ni victimes." L'espoir donc, malgré une occupation israélienne qui est "une déclaration permanente de guerre contre nos corps et nos rêves, nos maisons et nos arbres".

Né le 13 mars 1941 dans le village d'Al-Birweh, Mahmoud Darwich est forcé à l'exil, en même temps que les siens, en 1948. Leurs habitations ont été entièrement détruites et leur localité rasée au moment de la création de l'Etat d'Israël. Un an plus tard, ils retournent clandestinement dans ce qui était devenu l'Etat juif et s'établissent à Jdeidet Akka. A l'âge de 20 ans, Darwich adhère au Parti communiste judéo-arabe. Arrêté à plusieurs reprises et assigné à résidence, il finit par opter pour l'exil, qui le conduira à Moscou, puis au Caire et à Beyrouth.

Avec l'invasion israélienne du Liban en 1982, Mahmoud Darwich reprend la route. Ce sera le Caire, Tunis, Paris, avant Gaza et Ramallah en 1995, deux ans après la signature des accords d'Oslo. Accords dont il avait d'entrée de jeu perçu les immenses lacunes et qui avaient entraîné sa démission du Comité exécutif de l'Organisation de libération de la Palestine. A deux reprises, les autorités israéliennes l'autorisent à se rendre à Haïfa : en 1996, pour les obsèques de l'écrivain arabo-israélien Emile Habibi, et en 2007, pour une lecture de ses poèmes devant une foule considérable. Il n'est pas étonnant que l'une des oeuvres - Etat de siège (Sindbad/Actes Sud, 2004) - de ce poète si sensible aux rythmes et aux sonorités, ait été mise en musique par le compositeur Garett List en janvier 2005.

Pour un Palestinien, "la politique est existentielle", estimait Mahmoud Darwich. "Mais la poésie est rusée, ajoutait-il. Elle permet de circuler entre plusieurs probabilités. Elle est fondée sur la métaphore, la cadence et le souci de voir derrière les apparences", de voir "la vie, les rêves, les illusions..., le meilleur, le beau (...). Son seul véritable ennemi, c'est la haine." Aussi n'était-ce pas un hasard si le personnage du Christ, "ce Palestinien", l'avait touché par "son discours d'amour et de clémence, par cette idée qu'il est le Verbe". Pour Mahmoud Darwich, la cécité d'Israël, son entreprise d'affaiblissement systématique de l'Autorité palestinienne, l'incurie de cette dernière, le "despotisme universel" des Etats-Unis, les despotes locaux et l'exception dont bénéficie l'Etat juif en matière de droit international, étaient les causes des régressions intégristes "passéistes" de mouvements tels que le Hamas palestinien. Dans le monde arabe, et plus généralement musulman, comme en Occident, "des forces concourent à exacerber le choc des identités", estimait-il. "C'est une période transitoire, mais le présent se noie dans la tragédie".

Mahmoud Darwich vivait ces dernières années entre Amman, en Jordanie, et Ramallah, en Cisjordanie, où il publiait la revue Al-Karmel, fondée à Beyrouth et attentive aux courants culturels internationaux. Son corps devait être rapatrié à Ramallah via Amman. L'Autorité palestinienne s'emploie à obtenir le feu vert d'Israël pour qu'il soit enterré à Jdeidet Akka, où vivent encore sa mère et ses frères et soeurs. L'écrivain israélien Avraham B. Yehoshua a rendu hommage à son "ami et adversaire" qui "était aussi un voisin, un Arabe israélien qui connaissait l'hébreu et les codes juifs de la société israélienne". De même, le poète israélien Haïm Gouri a déclaré : "Son décès me fait beaucoup de peine car il incarnait une personnalité tragique, un homme en exil permanent, éloigné à jamais de son village."

De nombreux livres de Darwich ont été traduits en français, notamment chez Actes Sud, à partir de 1994 ; dernier titre paru : Ne t'excuse pas (2006). Notons également une anthologie des "Poèmes 1966-1982", Rien qu'une année (éd. de Minuit) et un volume de la collection "Poésie/Gallimard", La terre nous est étroite et autres poèmes.

Mouna Naïm

Dates-clés
13 mars 1941Naissance en Palestine
1948Exil à la création d'Israël
1961Adhésion au Parti communiste judéo-arabe
9 août 2008Mort à Houston

Shooting back

L'organisation qui surveille les violations des droits de l'homme dans les territoires occupés, B'Tselem, a fourni une centaine de caméras vidéo à des Palestiniens pour qu'ils puissent documenter les violations quotidiennes : le pouvoir de l'image est plus fort que la parole d'un témoin.
C'est ainsi que la vidéo du lieutenant-colonel Umri Burbag ordonnant à un sergent de tirer sur un Palestinien menotté dans le dos et baillonné, le 7 juillet, a été filmée par une jeune fille de 16 ans. Cette vidéo, du fait de l'horreur qu'elle présente et de la violation évidente des droits de l'homme, mais aussi de tout principe humanitaire, a eu un grand retentissement depuis sa divulgation le 21 juillet.
Ce qu'on ne lit pas dans les médias, par contre, c'est que, dès le lendemain, les permis de circulation de tous les membres de la famille de la jeune fille, Amira, ont été révoqués et que, quelques jours plus tard, lors d'une manifestation pacifique, son père a été arrêté et est toujours en prison.
Et ses supporters clament partout qu'Israël est une démocratie, un état de droit.

Sanctions :
- le sergent L. a obéi aux ordres : il sera poursuivi pour 'conduite indigne'
- le lieutenant colonel Burbag a été relevé de son commandement et va être poursuivi (devant un tribunal militaire) pour 'conduite indigne'
- le colonel Aviv Resheff, son supérieur, a eu un blâme dans son dossier pour n'avoir pas signalé l'incident.
'Conduite indigne' : d'après la Convention de Genève, tirer sur un prisonnier désarmé est un crime de guerre....
Peut-être, le jour où ces officiers viendront en vacances dans un pays civilisé, pourrait-on leur appliquer la doctrine Pinochet et les poursuivre en justice...
On peut lire cet article.

Mahmoud Darwish

Il vient de mourir.
C'était un immense poète.
Le Monde (.fr) n'a encore aucun article sur lui, sinon un renvoi vers le blog de Pierre Assouline, qui est un bon critique littéraire, mais totalement partial dès qu'il s'agit d'Israël.
Dans son texte, dont l'essentiel est par ailleurs plutôt bien, Passou réussit à ne pas écrire une seule fois le mot 'Israël', et à expliquer que Darwish s'est exilé (d'où ? pourquoi ?) : on lui rappelle que le village de Darwish a été purifié ethniquement en 1948 et rasé.

Eglises










Les églises construites ici depuis un siècle semblent rivaliser de lourdeur et de laideur. La basilique de l'Annonciation à Nazareth en est un exemple frappant.





Mais même l'église sur le Mont des Béatitudes, au dessus du lac de Tibériade, dans un site superbe, manque d'élégance.





A Capharnaüm, une hideuse structure en forme d'araignée (qu'on devine ci-contre, à droite sur la photo; trop laide pour que je la photographie) surplombe les ruines.





Seule, ci-dessous, la chapelle de la primauté de Saint Pierre à Tabgha au bord du lac, construite en basalte noir, a un certain charme.





Les moines bâtisseurs semblent avoir perdu ici le sens de la beauté qu'ils avaient à Citeaux

Nos ancêtres les Gaulois

Les enfants des Palestiniens d'Israël (et des habitants du Golan) vont dans des écoles israéliennes où on leur apprend l'histoire du peuple juif et d'Israël. D'un certain côté, ça leur apprend à mieux connaître le peuple juif, son histoire, son aspiration pour Israël. D'un autre côté, ça ne leur apprend rien sur leur propre histoire, sinon de manière biaisée.
Les plus faibles s'assimilent, se conforment à la culture dominante : leurs ancêtres sont Gaulois.
Les plus forts rebondissent, y trouvent des arguments pour clarifier leur lutte, mieux comprendre, mieux combattre et arriver à une meilleure solution éventuelle. Il est certain que les Arabes en général, et beaucoup de Palestiniens, ne comprennent pas l'importance de l'attachement des Juifs à la terre d'Israël, le traumatisme de la Shoah, et ont souvent tendance à balayer l'argument, ce n'est pas leur problème. Peut-être, mais je crois que tant qu'ils ne le comprendront pas, il ne pourra pas y avoir de solution viable. Maintenant, il faudrait qu'en face il y ait une vraie éducation, et non un lavage de cerveau quasi raciste; comme les autorités israéliennes en semblent incapables, cela dépend de quelques initiatives privées, trop rares.

Golan

Le Golan n'est pas la Palestine. A l'écart, dépeuplée après les déportations de 1967, cette région a dû s'organiser elle-même. Nous avons rencontré un des dirigeants de l'organisation Golan for Development, et j'ai été très impressionné par le travail communautaire fait : développement économique (production de pommes, compréhension intelligente du marché : construction d'entrepôts réfrigérés pour pouvoir peser sur les cours face aux acheteurs grossistes de Tel-Aviv), lutte contre les confiscations de terres, développement social et de santé, lutte politique (refus de la citoyenneté israélienne). Les Druzes du Golan sont aux antipodes de leurs coreligionnaires de Galilée, collaborateurs déclarés de l'armée israélienne.
Cette photo montre la ligne du cessez-le feu (la route en bas). En face, un poste d'observation de l'ONU. C'est là que les familles séparées échangent des nouvelles en hurlant dans des porte-voix (voir le film La fiancée syrienne). Il y a des champs de mines israéliennes non seulement le long de la ligne de cessez-le feu, mais dans le village même, et il arrive que des enfants soient blessés : l'armée israélienne dit que c'est trop dangereux pour ses soldats de déminer ces champs là, au milieu des maisons. Le poste de l'armée est en haut de la colline, au milieu des maisons du village : c'est la tactique du bouclier humain.


Cette mobilisation contre l'occupation peut paraître plus solide qu'en Palestine : les enjeux ne sont pas les mêmes, il y a, semble-t-il, une plus grande cohésion, et les leaders ont peut-être mieux compris la mentalité israélienne et comment lutter contre elle.

L'eau


Les hauteurs du Golan ont été conquises par Israël sur la Syrie en 1967, conquête destinée à protéger les Israéliens de la plaine des attaques syriennes. mais, au lieu d'en faire une zone de protection, les hauteurs ont, non seulement été vidées de leurs habitants arabes, mais peuplées de colons juifs. 134 des 140 villages ont été rasés, on voit encore ici et là des ruines et les 130 000 habitants ont été chassés dans un grand mouvement d'épuration ethnique. Ne sont restés que 7000 personnes dans six villages (puis cinq quand le village de Sh'eita fut rasé en 1970).
La raison en est simple : ni la sécurité puisqu'on implante des colonies à la frontière à portée de tir des Syriens, ni la religion puisque ces lieux ne font pas partie du 'Grand Israël', mais l'eau.

La consommation d'eau des Israéliens est élevée, tant pour l'irrigation que pour les besoins domestiques (les colons du Golan ont droit à 17 fois plus d'eau que les habitants, et la peint 4 fois moins cher, 0,90 shekel par mètre cube au lieu de 3,50). L'eau du Golan est donc détournée vers Israël en sa quasi totalité, et le Jourdain n'est plus qu'une minuscule rivière, dont la salinité augmente.

Les habitants du Golan, pour satisfaire leurs besoins en eau, ont donc construit des citernes pour l'eau de pluie. Mais l'eau de pluie appartient aussi à Israël ! La construction de citernes est interdite (soumise à 5 autorisations ministérielles, que bien sûr, personne n'obtient) et pendant un temps, l'autorité israélienne a voulu mettre des compteurs sur les citernes de pluie et faire payer l'eau de pluie, bien 'public' que les Golanis détournaient de la communauté israélienne à leur profit. Je pense que cette politique fiscale est unique au monde. Devant l'opposition des habitants, elle a finalement été abandonnée.

Ceci dit, avec cette eau abondante et pas chère, on peut faire de belles choses en Israël. Voici, à Haïffa, les jardins bahaïs, mausolée du prophète de cette étrange religion syncrétique. C'est très beau, tant qu'on ne se pose pas la question de l'eau. De même, les colonies israéliennes en Cisjordanie sont implantées sur les nappes aquifères, qu'Israël s'approprie ainsi aux dépens des Palestiniens.

Photo en haut d'un monument commémoratif de la révolte du Golan contre les troupes d'occupation...françaises en 1925. Ce monument grandiloquent a été édifié il ya quelques années à Majdal Shams, village le plus au nord du Golan. Clin d'oeil.