mardi 5 août 2008

Solutions

Ce que je vais dire ici est sans doute assez banal, mais il me semble qu'il n'y aura de solution équitable, quelle qu'elle soit, que sous trois conditions:
- que les Palestiniens aient un vrai leadership, respecté à l'intérieur et internationalement, et résolu à obtenir les droits qui leur reviennent, que ce soit par la lutte ou par la négociation;
- que la pression internationale sur le gouvernement israélien, tant des gouvernements que des opinions publiques, les force à envisager une solution équitable;
- que l'opinion israélienne, d'elle-même et du fait de ces pressions, évolue vers l'inéluctabilité d'une solution équitable.
Sur ces trois points, on est, je crois, très loin d'une solution.
La solution, ce sera à eux de la définir. Il n'y a plus que les extrémistes, d'un côté (certains éléments du Hamas, pas tous) ou de l'autre (Avigdor Lieberman), à vouloir expulser l'autre peuple et à n'avoir entre la mer et le Jourdain qu'un seul peuple sur sa terre.
Ce sera aux deux parties de poids égal de définir la solution en termes de structure (un État ou deux), de territoires (frontières de 1967 ou modifications), de retour (Aliya possible pour tous les juifs du monde versus droit au retour des réfugiés palestiniens), d'eau, de monnaie, d'espace aérien, de sécurité, etc..
Rien de plus dangereux que de leur dire ce que devrait être la solution. Rien de plus utile que de les aider, de part et d'autre, à arriver à une situation où ils pourront négocier équitablement.
Que peut faire chacun de nous ? De la communication intelligente, du lobbying, du soutien sur le terrain aux forces en faveur d'une solution équitable. L'idée du boycott, dont je parlais il y a quelques jours, me gêne de plus en plus.

Marketing

Réunion intéressante ce soir avec un 'activiste' palestinien d'une soixantaine d'années, Rifaat Aziz, réaliste, et assez critique sur les lacunes du mouvement palestinien, mais parfois un peu désabusé (et très traditionnel sur les moyens d'action à employer en Occident : une manifestation de rue vaut mieux qu'une campagne d'e-mails : pas sûr, mais bon).

J'en retiens en particulier l'idée simple que les campagnes de sensibilisation doivent être adaptées à leur public : la base même du marketing ! ce qui compte, ce ne sont pas les qualités intrinsèques de mon 'produit', c'est comment il répond aux attentes de ceux qui m'écoutent.
Il mentionne en particulier un sondage au Danemark, pour mesurer les opinions des jeunes Danois sur différents éléments de l'occupation : le mur, les violations des droits de l'homme, les violences de l'armée, les colonies, les confiscations de terres, les destructions de maisons. Les deux derniers points étant ressortis comme les plus importants, la campagne anti-occupation a mis l'accent là-dessus. Je me verrais bien essayer d'organiser un tel sondage en France.
Il reconnaît aussi que la différence de traitement dans les médias n'est pas due seulement à leur partialité, à leur capital ou au poids de Rupert Murdoch, mais est aussi due à l'incapacité des Palestiniens et des pro-palestiniens à articuler un message clair et percutant. Alors que le message pro-israélien, lui est très clair : culpabilisation à cause de la Shoah, accusation d'antisémitisme face à toute accusation, et mise en avant de la sécurité face aux barbares terroristes pour tout justifier.

On navigue trop souvent entre un gentil discours pacifique qui ne tient pas compte des réalités politiques, et un discours violent et raciste antisémite qui ne tient non plus aucun compte des réalités et des solutions possibles.

Hamas et Fatah

Il y a des moments où on se dit que la cause palestinienne est vraiment mal barrée. Certes, il n'est jamais aisé de passer du statut de mouvement de libération à celui d'Etat (plus ou moins) souverain (et le FLN en a été un exemple frappant), certes Israël trouve son avantage dans ces dissensions internes, certes il n'est pas fréquent qu'un Mandela émerge dans ces contextes, mais les luttes internes entre Hamas et Fatah, le spectacle qu'elles donnent de la Palestine, les arguments qu'elles fournissent aux détracteurs, le fait même qu'Israël s'interpose entre les deux factions et protège les uns des autres, tout cela est désespérant.

Abou Skandar



Comme vous pouvez l'imaginer, mes talents de maçon sont pour le moins limités et ma contribution a plus à voir avec un travail de manoeuvre, mais je sais maintenant faire (ou, plus précisément, je sais comment on fait) un toit plat : une journée entière passée à échafauder, à étayer, à assembler les tiges de fer du renforcement, à aligner les parpaings (heureusement montées sur le toit de fortune par la grue du camion de livraison et non pas à la force des bras), à recouvrir le tout de grilles de fer. Nous avions les jours précédents 'fait' le béton des murs avec une chaîne de seaux depuis une bétonnière artisanale jusqu'au maçon sur l'échafaudage, et faire de même pour le toit nous effrayait un peu. Heureusement, à 18h, après une longue journée torride où tout a été mis en place, sont arrivés un camion pompe et un camion bétonnière, et tout a été fait en moins d'une heure.





Visage émerveillé des habitants futurs de la maison, petite fête, gâteaux et fruits, on a fini à 20h, épuisés. Aujourd'hui, repos, pour soigner courbatures, coups de soleil (du type terrassier, encolure et bras seulement) et piqûres de moustique (monstrueuses).





Comme je suis le moins jeune de l'équipe, j'ai droit à l'épithète respectueuse d'Abou Skandar.





La plupart des internationaux ici sont américains ou anglais, 20 ans, étudiants, pleins de bonnes intentions, un peu naïfs, un peu donneurs de leçons ("vous les Palestiniens, vous devriez.."). Les adultes sont des 'activistes' plutôt religieux (dont un futur franciscain qui entre au couvent dans un mois pour son noviciat). C'est un groupe intéressant; du fait de sa composition, l'accent est plus mis sur la morale que sur la politique, plus sur ce qui devrait être fait que sur la manière d'y arriver. C'est différent des discussions avec l'équipe de Jeff Halper, dont je me sens plus proche, qui ne se contentaient pas d'affirmer une position, mais qui regardaient aussi réalistiquement comment la mettre en oeuvre.

Hier soir, à la nuit tombée, en attendant le véhicule pour le retour au centre où nous sommes hébergés, je suis abordé par cinq jeunes Palestiniens du village, étudiants à Bethlehem. On parle un peu de la situation, mais surtout de leur absence d'espoir : que faire, comment survivre, comment échapper à cette chape de plomb.

Au fond, sur les photos, on voit la colonie israélienne qui a motivé l'avancée du mur à cet endroit. Là bas aussi, construction d'un immeuble (avec des ouvriers palestiniens qui rentrent à Bethlehem le soir); pas de militaires visibles, mais des gardes qui, parfois, nous observent à la jumelle.