lundi 28 juillet 2008

Archives Max Brod


Pour des raisons que je n'expliquerai pas ici, je m'intéresse à Kafka et au fait que son ami et exécuteur testamentaire, Max Brod, n'ait pas obéi à ses instructions et n'ait pas brûlé ses papiers. Max Brod s'installa en Palestine et y mourut, laissant ses archives (et donc celles de Kafka) à sa secrétaire et maîtresse, qui vient de mourir à 101 ans à Tel-Aviv. J'ai caressé l'espoir d'aller faire un peu de recherche, mais..
L'histoire, telle que contée ici, est savoureuse, mais je crains qu'il me faille un autre voyage pour consulter ces archives.
A propos, Kafka a écrit "J'admire le sionisme et il me dégoûte" (lettre à Grete Bloch en juin 1914) et pourtant lui était en contact avec la version 'Martin Buber'.

Boycott ?


L'autre question que je me pose est celle du boycott.

Quand j'avais vingt ans, il y avait un boycott de l'Afrique du Sud, plus ou moins appliqué par les Etats et pas les sociétés. Pour nous, cela consistait, quand nous rencontrions dans un bar un Sud-Africain (blanc, bien sûr, les noirs ne voyageaient pas), à ne pas leur payer à boire et à leur tourner le dos. Simpliste, un peu bête, mais finalement efficace.

Quand 30 ans plus tard, j'ai rencontré mon amie Gusti, Afrikaner Broderbund pur sang, qui épousa un non-blanc et alla en prison pour sa lutte contre l'apartheid, elle me raconta que, jeune étudiant de 20 ans, quittant son pays pour la première fois pour étudier à Amsterdam, se faire traiter de raciste par les Européens de son âge avait été sa première prise de conscience que quelque chose n'allait pas dans son pays.

Est-ce cela qu'il faut faire avec les Israéliens, tant que l'occupation durera ? Faut-il ne pas les inviter dans nos universités, ne pas leur parler dans les bars et les concerts, faire qu'ils se sentent mal ? Fallait-il boycotter leur présence au Salon du Livre ? (j'apprends ici, ce dont la presse française, BHL, Finkielkraut et Pierre Assouline se sont bien gardés de parler, que les écrivains israéliens invités à Paris, y compris le Palestinien, ont dû signer une déclaration s'engageant à ne pas critiquer la politique israélienne pendant leur voyage à Paris)

C'est en tout cas ce que conseillent TOUS les Israéliens juifs opposés à l'occupation que je rencontre. Pour eux, le changement ne viendra que de la pression extérieure, et le boycott lié à l'occupation en est une condition.

Certes, on se fera traiter sans cesse d'antisémites, et il faut que le boycott soit clairement lié à l'occupation. Mais c'est aussi une démarche si peu naturelle, si opposée au dialogue, à la volonté de convaincre que je peux avoir. Mais s'il n'y a pas de possibilité de convaincre ? Témoigner suffit-il ?

Autre grande question à examiner ici.

Mobilisation ?

Une des choses que je ne comprends pas (et je pose la question à Jeff Halper) est sa conviction, à lui et à la plupart des acteurs israéliens (juifs) de la lutte anti-occupation, que le changement dans la politique d'Israël ne peut pas venir de l'intérieur, mais seulement de la pression internationale sur Israël tant que l'occupation durera (pression des Etats, mais aussi des personnes, sous la forme d'un boycott, j'y reviendrai).
L'action des opposants n'est pas clandestine, la réunion à laquelle nous prenons part n'est pas interdite, Jeff Halper et d'autres peuvent parler, écrire (rarement dans les grands journaux, certes, mais dans des magazines, des livres, qu'on trouve en librairie). ils ont une liberté d'expression qui n'existait pas en Afrique du Sud, ni dans l'Union Soviétique, ni dans l'Allemagne nazie. Ils dénoncent des faits que toute personne raisonnable dénoncerait, des démolitions, des abus de droit, des meurtres, des tortures : ce sont des faits que le gouvernement israélien tente de dissimuler mais que, une fois exposés, il nie rarement, mais justifie du fait du terrorisme, de la lutte contre le 'jihado-islamisme' ou l'islamo-jihadisme, ça dépend.
Des intellectuels, des artistes dénoncent cette politique, mais ils semblent n'avoir qu'un impact extrêmement réduit sur l'opinion publique israélienne. La majorité des gens n'écoutent, semble-t-il, que le discours officiel. Pourquoi ?
Pourquoi le conflit semble-t-il être inscrit dans une zone du cerveau dépolitisée, mystifiée, irrationnelle ? Je ne peux croire que ce soit du fait du poids des médias, la voix des opposants est infiniment plus forte ici qu'elle ne l'était sous l'apartheid ou sous d'autres dictatures. Je ne peux croire que ce soit uniquement du fait du confort économique, de l'égoïsme. C'est peut-être en partie dû à la division des forces anti-occupation, peut-être au système de coalition gouvernemental.
Mais je commence à croire que c'est surtout une question d'idéologie, que le sionisme (celui qui est appliqué ici, celui de Jabotinski et de Ben Gurion, pas celui de Martin Buber, hélas) est une idéologie tellement plus forte, tellement plus difficile à contester que l'apartheid, le communisme ou même l'arianisme nazi. Est-ce un rempart contre toute contestation, une réponse holistique qui empêche toute divergence de vue ?
Je ne sais pas, c'est une des grandes questions que je me pose pendant ce voyage.

Jeff Halper



Jeff est le fondateur d' ICAHD. Dans le centre d'hébergement d'ICAHD en Palestine, près du chantier, il vient parler aux volontaires, de son expérience (voir son livre 'An Israeli in Palestine'), de sa prise de conscience, et de son analyse de la situation politique.


La solidarité, reconstruire des maisons, c'est très bien, mais, au delà des bons sentiments, ça sert à quoi ? ça fait évoluer la situation comment ? Quelle solution est envisageable et comment y parvenir ? Comment concilier idées et actions sur le terrain ?


Hier, nous parlons surtout de l'apparente impossibilité de trouver une solution. La situation actuelle est une politique d'épuration ethnique, d'apartheid et de bantoustans. Avec les colonies, le Mur et les blocages routiers, l'hypothèse d'un Etat palestinien viable s'évanouit. Israël, entre colonies et implantations militaires, contrôle la vallée du Jourdain, toutes les nappes phréatiques, toutes les voies de communication. La Palestine n'est plus qu'une série de confettis sur la carte, de 'cantons', qui se réduisent de jour en jour, et qui ne peuvent pas constituer un état viable.

Pendant ce temps, tout va bien en Israêl : l'économie (de plus en plus basée sur la défense), le tourisme, la sécurité. Le système politique fait qu'il n'y a aucune remise en question de la politique de colonisation.

Pour Jeff, la solution avec deux états ne peut plus être viable. Une solution avec un seul état, qui soit laïc (et non pas, comme aujourd'hui, un état juif, où les non-juifs sont des citoyens de deuxième zone), et où cohabitent plusieurs communautés, est-elle utopique (comme la Belgique) ?

Autant la lutte en termes de droits de l'homme est forte, autant on sent un flottement, voire un désarroi sur ce que pourrait être une solution juste et acceptée par les deux parties, tant le refus d'Israël de négocier sur les sujets clés est bloquant.

Sur la colline en face, derrière Jeff, une caserne de la police des frontières. Est aussi, présent ce jour là Jonathan Cook, journaliste basé à Nazareth et fin connaisseur de la situation des Israéliens Arabes, ainsi que plusieurs figures du mouvement israélien anti-occupation.

Destruction de maisons


J'ai passé la journée d'hier avec les activistes du Comité Israélien contre les Destructions de Maisons, ICAHD, une organisation qui confronte la tactique la plus insidieuse de la colonisation, occuper le terrain en détruisant les maisons des Palestinens de manière arbitraire. Vous en saurez plus sur leur site.

Tous les étés, ils organisent des chantiers où Palestiniens, Israéliens et internationaux reconstruisent quelques-unes de ces maisons, tout en découvrant la situation par des rencontres, des conférences, des discussions.



Voici d'abord quelques images du chantier (presque fini, la maison sera remise à la famille demain). Le risque que la Civil Administration, antinomique nom de l'administration militaire israélienne pour les affaires civiles en Palestine, envoie un bulldozer après-demain est loin d'être nul. La seule tactique alors est de s'interposer entre les bulldozers et la maison, les soldats en général ne tirent pas sur les Israéliens Juifs, ni sur les étrangers, mais tentent de les déloger à coups de poing, de pied, de bâton et avec des gas lacrymogènes.




Je parle longuement avec les volontaires, et en particulier avec les Juifs Israéliens. Plus sur ce sujet dans quelques jours.

Colonisation insidieuse

Je ne suis pas encore allé voir les colonies en Cisjordanie, mais dans la vieille ville de Jérusalem, petit à petit, la population juive (en général les ultra-orthodoxes en noir) occupent le terrain. La maison ci-dessus, qui emjambe une des rues les plus passantes du quartier arabe (El Wad), appartient à Ariel Sharon, qui n'y a bien sûr jamais habité, mais qui, par cette provocation (après son incursion sur le Mont du Temple qui déclencha l'intifada), affirmait de manière péremptoire sa politique colonisatrice.

A côté, une des nombreuses autres implantations, avec drapeaux et caméras de surveillance. Mais il est difficile d'imaginer une famille arabe s'installer dans le quartier ultra-orthodoxe et y imposer 'le bruit et l'odeur'; si, par extraordinaire, ils y parvenaient, grâce, eux aussi, à des prête-noms, la police les expulserait immédiatement. Pourtant, ça mettrait un peu de musique dans ces quartiers gris où il ne fait pas bon s'aventurer en touriste.
Mais tant que des Européens ou des Américains, par ailleurs gens raisonnables, penseront que des règles qui devraient s'appliquer ailleurs n'ont pas à s'appliquer en Israël, pays spécial, à Jérusalem, ville à part, lieux où on doit accepter des règles qui, ailleurs, seraient choquantes, voire inadmissibles, tant que cette fiction d'une exception israélienne persistera dans les esprits, plus ou moins alimentée par la culpabilité collective soigneusement entretenue par la propagande pro-israélienne, tant que toute critique, qui, envers un autre pays, serait applaudie, sera, si elle porte sur Israël, aussitôt perçue comme non-objective, voire comme anti-sémite, la politique de discrimination pourra s'appliquer sans problèmes.
Voici un monument islamique avec bandeau décoré et nids d'abeille : visiblement la protection des sites historiques a cédé devant les impératifs de sécurité...
Allez, pour se consoler, un autre superbe étal d'épices; dommage que vous ne puissiez pas jouir de l'odeur!

Photographe arménien


Dans tout le Moyen-Orient, les Arméniens ont été, dès le milieu du XIXème siècle, les premiers photographes en studio.

Il y en a un aussi à Jérusalem, aimable et passionné. Je lui ai acheté quelques tirages (récents; les vintages iront un jour dans un Musée, dit-il), mais il ne vend pas les portraits des belles dames qui sont passées devant l'objectif de son père, leur famille pourrait ne pas apprécier. De plus, le portrait que j'aurais aimé acheter se révèle être celui de sa mère à 20 ans : mes plates excuses sont acceptées d'un sourire.

J'ai aussi pris son livre, hommage à son père, superbe.

Vous pouvez commander par Internet sur son site http://www.eliaphoto.com/index.html

La photo ci-dessus (Khan el Ze'it 1936) représente un jeune Juif orthodoxe tentant de cacher le visage d'un autre plus âgé, furieux d'être photographié: photo volée.