mardi 26 août 2008

Pour la bonne cause

Une longue liste:


20 avril : tirs sur des civils, un mort, un blessé
22 avril : tirs sur des civils
17 août : tirs et jets de grenades sur un train, un mort, six blessés
22 mars : bombe dans un café
11 novembre : bombe dans un garage, deux morts, cinq blessés
27 décembre : tirs sur un autobus et sur un camion
décembre : tirs sur des voitures de civils
11 avril : bombes à retardement dans un train, quatre morts
21 avril : jet de grenade dans un bus
26 juin : bombes dans le marché
5 juillet : tirs sur des bus
6 juillet : bombes dans deux marchés
10 juillet : attaque de la station de bus, 3 morts, 14 blessés
15 juillet : bombe camouflée dans une boîte de concombres dans un marché, des dizaines de morts et de blessés
26 juillet : bombe à retardement dans le marché aux parfums
août : bombe à retardement dans un bus
26 août : bombes dans le marché
Octobre : mine sous un camion
10 août : bombes dans des colis postaux, un mort, trois blessés
20 juin : bombes et tirs dans un marché, 52 morts, 32 blessés
30 juin : bombe dans un café, 12 blessés
30 juin : tirs sur un bus
4 juillet : bombe dans un café, un mort, 42 blessés
5 juillet : bombe sur un camion, trois blessés
2 août : attaque d’une station de radio, un mort, un blessé
27 février : attaque de l’hôtel des impôts
12 juin : attaque d’un train postal, vol de la paye des employés des chemins de fer
22 juillet : bombes, camouflées en bidons de lait (ci-contre), dans un hôtel, 91 morts, des centaines de blessés
9 septembre : destruction de lignes de chemin de fer
31 octobre : bombes contre l’ambassade à Rome
20 novembre : destruction d’un hôtel des impôts
20 février : sabotage d’installations industrielles
29 juillet : meurtre par pendaison de deux sergents ennemis en représailles à l’exécution de deux combattants (non, ce n'est pas le Hezbollah)
4 août : attaque d’un mess à Vienne
5 août : bombe au Ministère des Travaux Publics
14 août : attaque d’un train en Autriche
9 avril : tuerie 'accidentelle' de 100 à 200 civils dans l’attaque d’un village ennemi (plus sur ce sujet ci-dessous)

Un peu lassant, comme liste d’attentats, pour l’essentiel contre des civils : une série accusatrice de crimes de guerre, dirait-on.
C’est un extrait, partiel mais verbatim, des pages 245 à 279 du livre ‘The Irgun’ par Joseph Kister, publié en 2000 par la maison de publication du Ministère de la Défense Israélien (ISBN 965-05-09941), en vente au Musée de l’Etzel à Tel-Aviv pour 30 shekels. Les années vont de 1936 à 1948.
Les trois éléments que j’ai mis en gras sont bien entendu l’attentat de l’hôtel King David (1946), l’assassinat des deux sergents anglais kidnappés et exécutés par l’Irgun (1947), et le massacre de Deir Yassine (1948).

Même pour un observateur plein de sympathie pour 'la bonne cause', tous ces actes sont évidemment en contradiction totale avec le doit international, avec les conventions de Genève, avec la Charte de l’ONU et avec toute conception humaine de la civilisation. Ce sont tous des crimes de guerre, voire des crimes contre l’humanité.
On pourrait ajouter le fait que les combattants de l’Irgun – Etzel revêtaient le plus souvent des uniformes britanniques et, dans certains cas, utilisaient des faux passeports d’Afrique du Sud ou du Honduras ; autre crime de guerre, l’utilisation d’hôpitaux comme caches d’armes.
Et ces crimes de guerre, ces attaques contre des civils, ces meurtres sont présentés dans ce musée comme des hauts faits d’arme à glorifier. Le Musée, qui dépend du Ministère de la Défense, avait ce jour là pour seuls visiteurs, à par moi, des militaires bien encadrés, priant pour leurs prédécesseurs morts héroïquement au combat.
Avant de me laisser visiter le musée Etzel / Jabotinsky, un garde a contrôlé mon identité et a vérifié tous les tampons de mon passeport. Heureusement, le seul ‘suspect’ était un tampon jordanien d’il y a 4 ans et j’ai dû répondre à ses questions : ‘vous êtes allé où en Jordanie ? pourquoi ? avez-vous des amis jordaniens ?’ Mais c'est vrai qu'en visitant ce musée, on apprend comment faire une bombe (ci-dessous).

L’actualité de ce musée est étonnante, on pourrait transposer mot pour mot certains des textes (et des actes) dans la situation actuelle. Mais alors c’était pour la bonne cause, alors qu’aujourd’hui, c’est du terrorisme jihado-islamique. Ce pays est vraiment malade !
Est-il besoin d’ajouter que le responsable de la plupart de ces actes, Menachem Begin, est ensuite devenu premier ministre d’Israël ?
Il n'ya rien non plus sur la tentative d'assassinat du Chancelier allemand Konrad Adenauer par l'Irgun (devenu Herut, toujours dirigé par Begin) en 1952.

Il y a un autre Musée de l’Etzel, au bord de la mer, là où était le quartier arabe de Manshiya, partie de la ville arabe de Jaffa qui avait 80 000 habitants en 1948. A la place de Manshyia, rien, un terrain vague, plus une seule maison, plus un seul vestige, excepté ce musée, construit sur des ruines. L’opération contre Jaffa et Manshiya s’appelait Hametz : le nettoyage, l’épuration.
Dans ce second musée, où j’étais encore le seul visiteur en civil au milieu de jeunes soldates de 18 ans en train d’apprendre ‘l’histoire’ (ci-dessous, deriière la vitre), plus d’informations sur Deir Yassine. C’est, d’après l’histoire officielle, la seule fois où les combattants de l’Irgoun-Etzel et du groupe Stern ont voulu prévenir la population civile qu’ils allaient attaquer et que femmes, enfants et vieillards devaient quitter le village avant l’assaut. Pour quoi ne le faisaient-ils pas d’habitude ? Pas d’explication. Et justement, cette seule et unique fois, le camion avec le haut-parleur a eu une roue coincée dans un fossé à un kilomètre du village : pas de chance, on n’a pas pu prévenir les civils. Après la prise du village, les combattants ont annoncé 200 morts : vaine gloriole, les historiens ont ensuite réduit leur exploit à moins de 100 morts, principalement des civils bien entendu, hélas pas prévenus par le haut-parleur bloqué.. On a parfois l’impression d’être pris pour des imbéciles, mais plus c’est gros, plus ça passe.

Sur l’épuration ethnique, il faut lire Ilan Pappé, mais surtout Benny Morris. Ce dernier donne un décompte très précis des villages qui ont été vidés de leurs habitants et des raisons du départ de ces habitants, la quasi-totalité étant le fait que les unités israéliennes régulières (Haganna) ou irrégulières (Irgun-Etzel et Lehi-groupe Stern) ont massacré et chassé les civils. Il fait justice du mythe longtemps répandu par Israël des émissions radio des pays arabes enjoignant aux habitants de partir. Ce qui est très intéressant, c’est que Benny Morris pense que Ben Gurion a eu parfaitement raison de mener cette épuration ethnique, qu’elle était éthique et justifiée, et qu’il est dommage que Ben Gurion n’ait pas eu le courage de la mener à bien jusqu’au bout, jusqu’au Jourdain, jusqu’à la ‘solution finale’ en quelque sorte. C'est assez cohérent...

On me remet gentiment la petite brochure sur les musées militaires (visiteur assidu, j’ai droit à un tarif réduit) titrée State of Israel, Ministry of Defence, Museums Unit, datée de février 1996, tout ce qu’il y a de plus officiel (scan ci-dessous). La page décrivant le premier musée de l’Etzel, au milieu de la brochure, comprend une photo et un texte explicatif de 10 lignes, dont la fin est :

« The exhibit includes documents, press clippings, photographs, weapons, films and audio-visual models bringing to life the terrorist acts and combat operations.»
Et les mots ‘the terrorist acts and’ ont été rayés à la main.

Mais de qui se moque-t-on ? Comment peut-on vivre avec cette mauvaise conscience ?

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